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Évaluation de l’efficacité du Protocole Raoult : le statisticien Marc Rameaux trébuche !

 

Dans cet article, Marc Rameaux propose un calcul statistique assez simple, que nous vous présentons ci-dessous, afin d’évaluer les possibles bénéfices d’un traitement HCQ+AZT :

« Les termes en sont très simples, beaucoup plus qu’un calcul de significativité statistique :

Soit P, la probabilité que le traitement fonctionne, c’est-à-dire fasse baisser même dans une faible proportion le taux de létalité du COVID-19. On remarquera que l’on n’affirme nullement que le traitement fonctionne. On évalue simplement la probabilité qu’il ait un effet, ce qui est le propre d’un calcul d’espérance mathématique. Fixons à 10% la valeur de P : seulement 10% de chance que le traitement ait un quelconque effet, même faible.

Soit R, le ratio du risque de décès sans traitement sur le risque de décès avec traitement. Soyons pessimistes et fixons-le à 1,2 : le traitement, s’il marche (10% de chances), n’empêchera le décès que de 20% de la population qui serait morte sans traitement.

Le COVID-19 fait environ 3 500 morts par jour dans le monde. En espérance mathématique, le traitement empêcherait le décès de 70 personnes par jour. C’est très peu et c’est beaucoup : 2 100 morts en un mois, dans une hypothèse pessimiste sur les effets du médicament.

Bien évidemment, il faudrait soustraire à ces vies sauvées le nombre de morts dus à des effets secondaires létaux ou gravement handicapants : attention au syndrome de la Flécaïne ! On ne peut pas simplement se dire « si cela ne fait pas de bien, cela ne peut pas faire de mal ». Cette estimation est plus difficile : même si la probabilité est très faible (les contre-indications sont très bien connues), elle porte sur une population de référence bien plus vaste, ceux à qui l’on administre le traitement. Appelons PS cette probabilité.

Le bénéfice total en vies sauvées par jour, en espérance mathématique, du traitement du Pr Raoult serait :

P x (R-1) x 3500 – PS x Nb Patients traités

Toute la question du risque est de savoir si le terme négatif va l’emporter ou non sur le positif.

Je pense que ceux qui estiment qu’il faudrait administrer préventivement le traitement du Pr Raoult font ce type de calcul d’espérance mathématique. Le Pr Raoult a tort sur certains points de méthodologie mais a raison pragmatiquement : en espérance mathématique, les effets secondaires létaux ont très peu de chances de l’emporter sur les guérisons, même sur une population importante, si l’on écarte du traitement tous les patients contre-indiqués : les bases observationnelles de son traitement sont beaucoup plus profondes qu’elles ne l’étaient sur le cas d’école de la Flécaïne. »

Nous nous baserons sur les données qu’il a écrit à jour de la rédaction de l’article.

Les termes sont importants, il précise que le traitement fait baisser le taux de létalité du COVID-19, le taux de létalité correspond au nombre total de décès sur le nombre total de patients atteints.

Donc son échantillon ici est bien le nombre total de personnes atteintes du virus.

Il propose ensuite une probabilité de 10% que le traitement fonctionne, cette probabilité ne repose pas sur une étude, des statistiques mais est sélectionnée aléatoirement. Là est un premier biais, la probabilité peut très bien être de 0.01% comme de 99%. Ce premier critère est donc parfaitement arbitraire et impacte automatiquement le raisonnement qui suit.

Son ratio du nombre de décès sans traitement sur le nombre de décès avec traitement est fixé à 1.2. Il dit par conséquent que cela ferait 20% de décès en moins. Là est encore présent un biais, voire même une erreur flagrante, cela ne fait pas 20%. Avec un ratio de 1.2, il y a environ 17.3% de décès en moins par rapport au nombre de décès sans traitement et 20% de décès en plus par rapport au nombre de décès avec traitement.

Pour ce calcul de risque, il considère deux cas, sans effet ou effet positif, le cas négatif est traité après, ceci constitue déjà une première manipulation car ce calcul de ratio prend en compte l’absence d’effet, la présentation est donc volontairement tordue mais la formule suivante la clarifie.

Ensuite il explique que le coronavirus fait 3 500 morts par jour dans le monde, et que selon les termes précédents, il y aurait 70 morts de moins. Si l’on part du ratio de 1.2, il n’y aurait que 10%*17.3% de morts en moins, ce qui ramène à 60.55 morts en moins et non 70.

Si cela vous semble peu, rappelons que la principale critique sur le Lancet et les données australiennes concerne un nombre de morts de 63 au lieu de 71 (un hôpital n’aurait pas été classé dans le bon continent, c’est ce qui arrive quand des études sont relues en hâte). Donc actuellement, il est vital d’être précis sur les chiffres.

Il précise ensuite qu’il existe une probabilité d’effets négatifs, gardée comme inconnue cette fois. Il nous précise aussi que les contre-indications sont très bien connues. Or ici le bât blesse, car il se trouve d’une part que le risque de mortalité n’est pas une variable aléatoire mais une probabilité conditionnée au profil des patients, et que d’autre part personne ne peut à ce jour affirmer qu’on connaît bien les contre-indications de l’association hydroxychloroquine + azithromycine dans le cadre du traitement du COVID-19.

La majorité des patients décédés étaient très âgés, avec des comorbidités comme des problèmes cardiaques, de l’hypertension, de l’obésité morbide, du diabète etc. Certaines de ces comorbidités sont justement des contre-indications à l’usage de l’hydroxychloroquine. L’association de l’hydroxychloroquine avec un macrolide (azithromycines) est connue pour augmenter le risque de problème cardiaque et le virus semble aussi attaquer les tissus cardiaques. On peut ainsi s’interroger sur quelle proportion des malades seraient vraiment éligibles au traitement et l’intérêt d’appliquer le traitement à des gens qui de toute façon ont très peu de risque de développer une forme grave (moins de 10% des patients en réanimation ont moins de 45 ans).

Si l’on travaille sur le total des morts, avec le taux de létalité donc sur la totalité des patients, pour un calcul mathématique juste, on doit considérer que l’échantillon des patients traités comprend aussi les cas contre-indiqués. Il faut toutefois noter que Raoult a prévenu des dangers de son traitement et a réalisé une stricte sélection des malades pour ses essais, la moyenne d’âge n’est que de 45 ans contre 80 ans en moyenne chez les décédés.

Revenons-en au calcul de Marc Rameaux. Au 21 avril (jour de la publication de l’article), il y avait officiellement 2 000 000 de personnes contaminées par le coronavirus dans le monde au total et 150 000 décès, ce qui donne un taux de létalité de 7.5%. Le chiffre des contaminés est celui des diagnostiqués, le nombre réel de contaminés est sans doute bien plus important.

Avec les conditions posées par Marc Rameaux, il y aurait donc eu 2 595 morts de moins (10%*17.3%*150000) si le traitement Raoult avait été adopté.

Maintenant supposons que la probabilité d’un effet négatif mortel soit de 0.17% (soit dix fois moins que la probabilité d’un effet positif qui empêche un décès posé par Marc Rameaux), il y aurait 3 145 morts uniquement dû au traitement (nombre calculé depuis la population de contaminés non-décédée). Dans cette configuration, une probabilité dix fois plus faible d’un effet négatif que d’un effet positif peut donc suffire à augmenter le nombre de morts.

Il est donc nécessaire d’être prudent lorsque l’on examine des chiffres, en particulier dans une configuration comme celle-ci où les probabilités sont fixées de manière arbitraire. Monsieur Rameaux nous affirme que les effet secondaires létaux ont très peu de chance de l’emporter si l’on écarte les cas contre-indiqués, or il n’a pas écarté les cas contre-indiqués car il travaille sur le total des décès et le taux de létalité, nous n’avons donc pas de raison de le faire dans notre calcul. Son article présente des points intéressants auparavant mais il ne semble pas l’appliquer rigoureusement à ses propres calculs.

Julien Cobalt

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