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La fiction écologiste de l’OGM : un sabotage de l’innovation agricole européenne ?

Dans un précédent article, j’ai démontré que les dits OGM ne sont en rien des ruptures par rapport aux techniques de l’agriculture traditionnelle, mais poursuivent la même finalité de sélection génétique. Cependant, on constate dans les réglementations françaises, et a fortiori européennes, une juridiction de l’OGM.

Nous verrons d’abord si cette juridiction a une réelle pertinence, ensuite nous verrons les tenants idéologiques et politiques qui ont conduit à sa création et quelles en sont les conséquences.

OGM : une catégorie juridique floue et changeante

La définition juridique de l’OGM (organisme génétiquement modifié) était issue, jusque là, de la Directive 2001/18/CE de 2001 : un OGM est un « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».

Vous noterez d’ailleurs l’ambiguïté de cette définition par rapport au terme OGM en tant que tel. Dans un récent article, j’expliquais la lointaine « tradition » de modification génétique végétale consciente de l’Homme qui montrait qu’au final, nous mangeons des OGM depuis très longtemps (même si c’était aussi par inadvertance). À la rigueur, les scientifiques biotechnologistes parlent notamment de plantes transgéniques pour désigner celles dont des caractères ont été ajoutés par transgénèse (insertion d’un gène venant d’une espèce plus ou moins éloignée).

Mais soit, même si c’est scientifiquement bancal, arguons que les « OGM juridiques » sont apparus récemment avec les nouvelles méthodes génétiques. Un produit, dès lors qu’il est catégorisé comme OGM, est soumis à une procédure stricte d’autorisation.

Seulement il y a eu du changement récemment. Le 25 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé la définition de l’OGM. En conséquence, les produits issus de certaines techniques nouvelles (regroupées sous le sigle NBT, pour New Breeding Techniques) seront soumis à la réglementation européenne spécifique aux OGM. Cette décision était très attendue. En effet, de la classification d’une technique nouvelle en OGM ou non-OGM découle un cadre réglementaire très différent.

Par exemple, en France, il est interdit d’utiliser ou de fabriquer un OGM sans une autorisation préalable accordée pour une catégorie limitée de situations (utilisation en milieu confiné, expérimentations et recherche, etc.).

En 2001, bizarrement, la mutagenèse était explicitement exclue de la définition des OGM (pourtant l’organisme est bien modifié génétiquement). On entendait par mutagenèse la modification du génome sous l’action d’agents chimiques ou physiques (par opposition à l’introduction d’un gène).

C’est sur cette situation que la CJUE est revenue. En effet, de nouvelles méthodes de génie génétique se sont développées ces dernières années comme le « ciseau génétique » Crisp-Cas9 permettant des mutagenèses dirigées. Cela contraste avec l’aspect aléatoire des méthodes de mutagenèse classique (par radiations ou agents chimiques).

C’est suite à la mobilisation d’ONG écologistes technophobes en France que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), sur saisine du Conseil d’État, a clarifié ce flou juridique en concluant que les organismes issus des NBT étaient des OGM au sens de la Directive. Elle met en avant le fait que les NBT « modifient le matériel génétique d’un organisme d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement  », et que « les risques liés à [leur] emploi (…) pourraient s’avérer analogues à ceux résultant de la production et de la diffusion d’OGM par voie de transgenèse. »

Salué par les groupes écologistes, jouissant d’avoir gagné une bataille contre l’hydre capitaliste industrielle créatrice de plantes mutantes, cet arrêt a été déploré par de nombreux scientifiques. En effet la CJUE s’est de fait positionnée contre la recommandation conjointe des académies des sciences de tous les pays d’Europe. Elles arguaient dès 2015 que les produits issus des NBT ne devraient pas être concernés par la directive OGM.

On peut comprendre leur position étant donné le tombereau de réglementations qui s’abattrait sur ces nouvelles biotechnologies, tuant dans l’œuf l’innovation biotechnologique en Europe et favorisant de facto les grandes corporations biotechnologiques transcontinentaux pourtant tant détestés par ces mêmes associations/ONG.

On arrive alors à une définition juridique de l’OGM qui n’a strictement aucun sens d’un point de vue scientifique. Les produits issus de mutagenèse classique ne sont pas classés comme « OGM » (bien pratique pour l’agriculture biologique) tandis que ceux obtenus par les nouvelles techniques de mutagenèse via Crisp-Cas9 le sont. C’est ainsi que la définition de l’OGM n’est devenue qu’une définition juridico-idéologique.

Son origine : une stratégie écologiste de sabotage économique de l’agriculture européenne ?

Le terme « sabotage économique » ne vient pas de moi mais de Marcel Kuntz, biologiste et directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’Université Grenoble-Alpes, expert reconnu sur les OGM et médaillé d’or 2017 de l’Académie d’Agriculture de France.

Selon lui, la crise définitive sur les OGM est apparue au milieu des années 90 via le traitement médiatique vis-à-vis de la crise de la vache folle. Le journaliste Jean-Claude Jaillette à l’époque écrivit un article au vitriol « Alerte au soja fou ! » dans les pages de Libération le 1er novembre 1996. Il revint quelques années plus tard pour « dénoncer l’imposture », aveuglé sans doute auparavant par des idées reçues (il défend maintenant mordicus les OGM).

Le mal est fait, les ONG écologistes comme Greenpeace se sont engouffrées dans la brèche. ls ont profité du peu de cultures OGM présente en Europe pour marteler leurs discours catastrophiques et complotistes. Ces discours sont moins efficaces aux USA où la culture OGM est beaucoup plus présente et les résistances plus nombreuses.

En 2002, Bruno Rebelle, directeur de GreenPeace France dévoile même le pot-au-rose des raisons strictement idéologiques de leur opposition aux OGM :

« Nous n’avons pas peur des OGM. Nous sommes seulement convaincus qu’il s’agit d’une mauvaise solution. Les OGM sont peut-être une merveilleuse solution pour un certain type de société. Mais justement, c’est le projet de société dont nous ne voulons pas. »

La réglementation européenne des OGM de 2001 pensait ménager la chèvre et le choux en calmant les inquiétudes irrationnelles déclenchées par ces ONG. Malheureusement elle eut l’effet inverse pour 3 raisons :

  1. Le durcissement de la réglementation ne pouvait qu’influer sur la perception du risque de façon négative. En effet, en renforçant les contrôles suite la crise de la vache folle, ils ont en réalité alimenté la psychose des consommateurs (ils nous cachaient bien la « toxicité » des OGM !).
  2. Les opposants les plus radicaux aux OGM (pour la plupart des anti-capitalistes durs, orphelins de l’URSS) n’ont aucune attitude au compromis. La destruction des OGM est leur mot d’ordre.
  3. En raison de l’attitude impotente de certains États (la France et l’Allemagne notamment, elle montre bien que l’UE n’est qu’un « blob mou ») sur la question. Les politiques de ces pays n’ont pas le courage politique de s’appuyer sur les travaux scientifiques.

En France par exemple, c’est à l’époque de la présidence de « droite » de Nicolas Sarkozy avec sa création de son Grenelle Environnement pour se donner une « image verte » qu’il a tracté cyniquement avec l’ogre écologiste.

Selon Jean de Kervasdoué, professeur émérite et membre de l’Académie des Technologies :

« Pour ce qui est de la France c’est très clair : le Président Sarkozy et Jean-Louis Borloo ont voulu protéger le nucléaire en sacrifiant les OGM. (…) Les OGM ont joué en 2008 le rôle de gage dans la tentative de captation des thèses, sinon des voix, écologiques par la majorité présidentielle. »

Tous les atermoiements de la Ministre de l’Écologie de l’époque, Nathalie Kosusco-Morizet, pour justifier par exemple l’interdiction du maïs MON810 en France n’ont été que des interprétations fallacieuses des rapports de l’EFSA de l’époque, elle a également occulté d’autres rapports. Et ce pour ne même pas recevoir les résultats électoraux escomptés par « l’aide » des écologistes.

Ne parlons pas non plus, au fil des années, des « études » à répétition du CRIIGEN (Comité De Recherche Et D’Information Indépendantes sur le Génie Génétique) par le militant pseudo-scientifique Gilles-Eric Séralini (administrateur et cofondateur). Elles ont été relayés complaisamment par idéologie et/ou bêtise par toute la presse française. J’avais d’ailleurs déminé son étude célèbre de 2012 dans cet article.

La presse et le milieu culturel français, quasiment acquis à l’écologisme n’hésitent plus à multiplier les reportages à charge sur le sujet ou les censures de films essayant de traiter objectivement la question.

Ce sabordage technologique écologiste est aussi appuyé par la violence concrète de ses militants radicaux. Les multiples attaques contre des laboratoires expérimentant les OGM en Europe ont été recensées dans une étude scientifique (ces sabotages durent depuis des dizaines d’années). Ils attaquent également aujourd’hui des entreprises qui ont l’audace d’importer des OGM. L’étude sur cette question conclut :

« Autour de 80 actes de vandalisme contre des laboratoires de recherche académiques et gouvernementaux sur les OGM ont été présentés, impliquant principalement la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse, mais aussi la Belgique et l’Italie. C’est une vaste sous-représentation du nombre total de destructions de champs d’OGM qui se sont passées dans l’UE car les destructions d’essais implantés par des compagnies privées ne sont pas listées ici. En Allemagne seulement, on comptait plus de 100 actes de vandalisme. »

Conclusion

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de remettre en question le fait même de réguler une innovation et donc poser un cadre d’applications à celle-ci. Seulement, la définition actuelle juridique des OGM n’est plus entre les mains de la Science, mais au service de l’idéologie écologiste, cache-sexe verdâtre de l’anti-capitalisme radical et technophobe. Elle a fait voeu de détruire l’économie capitaliste et industriel en Europe (un peu comme les sabotages communistes d’une autre époque supposée révolue…) avec tout ce que cela implique de violences envers la recherche et les acteurs du privé, d’agit-prop anti-scientifique et complotiste.

Cet état des choses vient essentiellement de la faiblesse et du cynisme des politiques mêlant électoralisme court-termiste (pourtant perdant) et désintérêt scientifique. La droite politique porte une lourde responsabilité par leur tractage pseudo-intelligent avec l’ogre écologiste. Ce dernier ne peut que réclamer le bras entier (pourquoi pas l’industrie nucléaire la prochaine fois ?) de l’innovation française après avoir mangé goulûment sa main (les biotechnologies) tendrement donnée.

Je laisse le mot de la fin à Marcel Kuntz :

« L’agriculture ne doit pas être oubliée dans la volonté affichée par les décideurs politiques de réindustrialisation du pays. La rhétorique du « produisons autrement » ou de « l’agroécologie » ne pourra se substituer longtemps à de vrais choix politiques en matière de productivité tout en réduisant l’impact de l’agriculture sur l’environnement. Dans une démarche aussi ambitieuse, le facteur génétique (amélioration variétale des plantes) ne saurait être oublié. La transgenèse n’est qu’un outil ; le risque étant qu’en faisant fuir la recherche qui l’utilise, c’est toute la sélection variétale des plantes qui se délocalisera peu à peu.

Les gouvernements qui ont créé des agences d’évaluations scientifiques des risques (après l’affaire de la « vache folle ») seraient bien avisés de ne pas permettre que certaines forces politiques discréditent ces agences. Lors des prochaines crises sanitaires, les gouvernements auront bien besoin d’elles, face à la panique qui saisit généralement une partie des consommateurs en pareille situation.

Il conviendrait que les politiques s’occupent de la gestion (à ne pas confondre avec gesticulation…) des risques sans interférer avec l’évaluation des risques qui est une démarche scientifique. Il ne s’agit pas ici de la revendication d’un quelconque « pouvoir des savants » (car le dernier mot en matière d’autorisation revient aux politiques), mais d’une demande légitime des chercheurs de mener à bien leur mission. »