Articles

Le glyphosate : Poison pour l’agriculture et ses consommateurs ?

On a beaucoup entendu parler de ce produit chimique, notamment en 2018 lorsque Nicolas Hulot était notre Ministre de la Transition Ecologique. Ce fut à ce moment qu’il y eut tout un tohu-bohu sur la question : « faut-il rallonger ou non la durée d’autorisation du glyphosate ? ».

Comme d’habitude en France, on a eu toute une galaxie d’ONGs et/ou d’associations écologistes, plus ou moins militantes, qui ont fait pression sur le gouvernement Macron pour l’interdire totalement (aidées, il faut le dire, par toute une caste journalistique).

Elles s’appuyaient toujours sur les mêmes faits :

1. Le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, branche de l’OMS) a classé le glyphosate comme « cancérogène probable » (groupe 2A) depuis le 20 mars 2015. Et donc, en vertu du sacro-saint principe de précaution, il fallait l’interdire.

2. Le cas des « Monsanto Papers », où des journalistes ont révélé des liens plus ou moins nébuleux entre des scientifiques et Monsanto pour « faire passer » son pesticide.

Fort bien, prenons un peu de hauteur et voyons un peu de quoi on parle.

Qu’est-ce que le glyphosate ?

Cette molécule organophosphorée permet d’inhiber une enzyme vitale chez les végétaux. C’est le principe actif du pesticide Roundup. Ce produit est utilisé depuis plus de 40 ans par les agriculteurs (et qui, d’ailleurs, du fait de sa durée d’utilisation, ne dispose plus de brevet dessus), permit de désherber sans labour pour un coût minime (quelques euros par hectare).

Ainsi, l’agriculture dite « de conservation des sols » a pu voir le jour, le glyphosate a permis de protéger la biodiversité du sol, de limiter la quantité de fertilisant et l’érosion tout en maintenant des rendements élevés. En remplaçant la bêche, cet herbicide a constitué un élément majeur de la révolution agricole du siècle dernier qui a permis d’assurer une production abondante, accessible et de qualité.

Le glyphosate est aussi utilisé pour de nombreuses applications telles que le désherbage des voies ferrées, la culture d’OGM ou l’élimination d’espèces invasives.

Quelle est la différence entre le danger et le risque ?

Cette distinction est très importante et est en lien avec la petite citation de notre médecin suisse Paracelse que j’ai donné dans un précédent article.

Pour résumer de façon simple et rapide :
RISQUE = DANGER x FREQUENCE D’EXPOSITION

Prenons un exemple très simple : l’arsenic (un élément naturel…) est connu pour être mortel à une dose très minime seulement, de nos jours, nous avons une chance infinitésimale d’y être exposé (on va dire 0) donc, même si le danger est très élevé pour l’arsenic, le risque concernant cet élément est quasi nul. D’anciens pesticides contenant des éléments d’arsenic ont d’ailleurs été interdits au cours des décennies du fait de leur risque trop élevé pour les agriculteurs.

Sans compter qu’en toxicologie, il faut également prendre en compte dans la fréquence d’exposition, les produits qui deviennent dangereux en dépassant une seule fois une dose unique et ceux dont la nocivité ne vient qu’après certaines doses répétées pendant de nombreuses années.

Si on revient à l’étude du CIRC concernant le glyphosate, le problème est que le CIRC n’évalue que la dangerosité d’une substance, pas le risque associé (ceci est le rôle des organismes sanitaires à travers le monde).
D’ailleurs dans le même groupe « cancérogène probable » que le glyphosate, on trouve la viande rouge. Et ne parlons même pas du groupe 1 (cancérogène certain) où parmi justement l’arsenic, on a à côté la charcuterie !

Dans un souci de cohérence qu’attend l’Etat français pour interdire la viande rouge et la charcuterie?

Sans compter que, suite à l’étude du CIRC, des dizaines d’agences de sécurité sanitaire à travers le monde (EFSA et ECHA pour l’UE, Allemagne, Japon, Canada, Nouvelle-Zélande, France notamment) sous la pression médiatico-écologique, se sont mis à réévaluer le potentiel cancérogène du glyphosate. Résultat : rien, le risque était négligeable.

Pourquoi cette différence ? Elle vient notamment de la méthodologie pour évaluer le caractère cancérogène du produit. Un exemple, le CIRC a « choisi » ces études notamment en sélectionnant des études portant sur des non-mammifères (poissons par exemple).

Or, il est connu que pour essayer d’extrapoler la nocivité d’un produit à l’Homme, il faut des tests sur des mammifères. Et encore, nous l’avons vu dans un article précédent quand nous parlions d’une étude du Professeur Ames, ce n’est pas toujours un gage de la toxicité d’un produit sur l’Homme.

Mais alors, pourquoi entendons-nous parler que de l’étude du CIRC ?

Tout simplement parce que la caste journalistique française est imbibée d’idéologie anticapitaliste et/ou sans doute, d’un gros manque de connaissances scientifiques de base.

L’enquête du Monde de Stéphane Foucart sur le glyphosate (suite à l’étude du CIRC) est emblématique de la désinformation qui règne sur ce type de sujet, il suffit de lire son titre choc sur le sujet : « Le désherbant Roundup classé cancérogène ». Bref, on passe de « probablement cancérogène » à « cancérogène » et de « glyphosate » à « Roundup = méchant Monsanto »…

N’oublions pas d’ailleurs que les études du CIRC et des différentes agences sanitaires n’ont qu’un avis informatif, ce ne sont pas des injonctions normatifs concernant une réglementation (bref c’est aux Etats de prendre en compte ou pas les études).

D’ailleurs, notre plumitif l’admet bien volontiers : « purement informatifs, [ils] n’ont pas valeur réglementaire ».

Le journaliste se risque même à prévoir une « carrière » toute tracée pour le glyphosate : « la catégorie 2A , c’est-à-dire « cancérogènes probables », [est le ] dernier échelon (sic) avant la qualification de « cancérogène certain ». » Comme s’il était inéluctable, au « bénéfice de l’ancienneté », que le produit soit « promu » en catégorie 1 !

Foucart oppose systématiquement l’organisme du CIRC (paré de toutes les vertus) aux instances européennes chargées d’évaluer les risques. C’est là qu’il sort l’artillerie lourde :

« Les experts allemands et européens ne pourront pas ignorer l’avis des experts du CIRC, pas plus que d’autres travaux récents sur des risques autres que le cancer. Mais l’interdiction du glyphosate, réclamée par plusieurs ONG, n’est pas pour demain. Un vieux routier de l’évaluation des risques en veut pour présage la composition « particulièrement intéressante » du groupe d’experts « Pesticides » de l’agence allemande : le tiers des membres du comité sont directement salariés… par des géants de l’agrochimie ou des biotechnologies ! »

Notez d’ailleurs « un vieux routier de l’évaluation des risques » (on ne saura jamais qui…) et évidemment, le sempiternel pseudo-argument du « conflit d’intérêt ».

Sauf qu’il oublie que la quasi-totalité des plantes commercialisées par ces firmes biotechnologiques sont tolérantes à d’autres herbicides que le glyphosate (notamment le gluphosinate pour les plantes créées par le groupe allemand Bayer Crop Science). Bref, pas de quoi hurler au complot.

Les influences « vertes » que la caste journalistique ne voit pas

Le fait qu’un grand groupe industriel comme Monsanto fasse du lobbying, voire ce qu’on appelle du « ghostwriting » (consistant à faire valider et signer par des scientifiques réputés des études réalisées par l’entreprise) n’est pas nouveau et est structurel à l’aspect normatif étatique imposé dans le capitalisme actuel (on retrouve cela aussi dans l’industrie pharmaceutique).

Seulement, comme le souligne Reuters, dans un article publié le 6 octobre 2016, le président de la commission de la Supervision, Jason Chaffetz, a adressé une lettre au directeur du NIH (National Institutes of Health) dans laquelle il évoque à propos du CIRC un « historique de controverses, de rétractations et d’incohérences ».

Car il y a de nombreuses polémiques scientifiques concernant la classification du CIRC sur certaines substances, notamment le café qui fut classé comme « peut être cancérogène » pendant 25 ans avant qu’il ne se rétracte en voyant que le café pouvait « protéger du cancer du foie et de l’utérus »…

Le cas de Christopher Portier est aussi un cas sérieux de conflit d’intérêt. Ce scientifique retraité travaille comme conseiller auprès de divers organismes internationaux, dont l’Environnemental Defense Fund (ONG américaine connue pour ses prises de positions contre les pesticides).

Mais il est aussi membre de la Health and Environment Alliance (HEAL), une organisation européenne qui lutte contre les pesticides et qui soutient l’initiative #StopGlyphosate. Dans un éditorial sur l’ingérence des ONG dans la recherche scientifique, publié en décembre 2016, le journaliste Gil Rivière-Wekstein souligne que « Portier a joué un rôle majeur dans la décision du CIRC ».

Portier était, au moment des faits, « à la fois consultant pour le CIRC et représentant d’une ONG anti-pesticides », il incarne, selon le journaliste, « le parfait exemple d’un ‘expert’ à double casquette : militant pour des ONG et consultant auprès d’instances décisionnaires. Le conflit d’intérêts est notoire. »

C’est ce même Portier qui adressa au président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker un papier en ciblant notamment l’EFSA et l’ECHEA qui ont, selon lui, « échoué à identifier tous les cas statistiquement significatifs d’augmentation d’incidence de cancers, dans les études menées sur les rongeurs ».
Bref, quand il s’agit d’enquêter sur le « lobbying vert », les journalistes anticapitalistes sont aux abonnés absents.

Finalement le glyphosate doit-il être interdit ?

Pour conclure, OUI, Monsanto comme toute grosse firme (et le « business vert » ne fait pas exception à la règle…) fait des actions de lobbying pour influencer les politiques.

Seulement, après des décennies d’études rigoureuses concernant le principal actif du glyphosate, on peut résumer cela avec l’aide de l’ARLA (agence canadienne) :

« Le glyphosate n’est pas génotoxique (mutagène qui n’implique pas nécessairement de la cancérogénéité) et il est peu probable qu’il présente un risque de cancer pour les humains. »

« L’exposition par le régime alimentaire (eau potable et aliments) associée à l’utilisation du glyphosate ne devrait pas présenter de risque pour la santé humaine. »

« Les risques professionnels et résidentiels associés à l’utilisation du glyphosate ne sont pas préoccupants, sous réserve que les modes d’emploi révisés figurant sur les étiquettes soient respectés. »
« Les produits contenant du glyphosate ne devraient pas poser de risques préoccupants pour l’environnement lorsqu’ils sont utilisés conformément au mode d’emploi proposé sur l’étiquette. »

En ce qui concerne les risques sanitaires liés aux résidus de glyphosate dans les aliments, la dernière étude de l’EFSA montre qu’un consommateur européen devrait multiplier plusieurs milliers de fois sa consommation alimentaire (la DOSE, toujours la dose..) de produits contaminés pour atteindre la dose maximale quotidienne de glyphosate jugée sans effet adverse sur sa santé sur toute sa vie.

Bref on a plus de chances de mourir avec l’estomac explosé par la quantité d’aliments ingurgités qu’intoxiqué par le glyphosate lui-même…

Donc NON, il n’y a aucune raison valable d’interdire le glyphosate et qu’au vu des doses administrées, il ne présente pas de risque suffisant.

Ce que tous les militants écologistes et journalistes ne comprennent pas également, c’est qu’il faut estimer les coûts et les avantages de l’utilisation d’un tel herbicide, et prendre en compte les coûts de la non-utilisation d’un tel produit, ce que l’on appelle les coûts d’opportunité.

Sans glyphosate, les agriculteurs devraient se tourner vers d’autres herbicides plus toxiques comme l’atrazine. Le désherbage mécanique impliquerait un retour à des méthodes très coûteuses et bien moins écologiques qui pourraient faire augmenter sensiblement le coût des denrées alimentaires.

Bien sûr, certains estiment que d’autres solutions plus « naturelles » existent, mais leurs modèles agricoles ne se sont généralisés nulle part et ils n’ont pas réussi à démontrer l’efficacité écologique et économique de leurs solutions.

Leave a Comment