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Les canulars sociologiques : Michel Maffesoli

Michel Maffesoli, professeur de sociologie à la Sorbonne, est difficile à situer politiquement. A la fois contributeur du postmodernisme, franc-maçon initié dans les années 70, sa parfaite intégration au système lui a permis de rafler la quasi-totalité des distinctions à la portée d’un universitaire (Légion d’Honneur, Mérite Agricole (sic), Chevalier des Arts et des Lettres, Palmes Académique etc.[1]). Il est pourtant classé réactionnaire par la gauche qui lui reproche en vrac, son éloge du populisme, son opposition à l’Etat-providence et surtout son soutien (démenti) à Nicolas Sarkozy en 2012. Il apparaît aussi régulièrement dans les revues Éléments et l’Inactuel, ainsi que sur la WebTV conservatrice TV Liberté.

Au plan scientifique son apport paraît pour le moins douteux. Signe qui ne trompe pas, sa page de présentation ne comporte aucune publication dans des revues à comité de lecture, seulement les livres et préfaces dont il est l’auteur mais aussi une quinzaine d’ouvrages écrit part des tiers consacrés à son sujet. L’absence de publication respectant le format et la procédure scientifique n’a rien d’étonnant car ses thèses ne sont soutenues ni pas des chiffres ni par une quelconque méthodologie. Maffesoli ne prétend pas être scientifique, il l’a clairement affirmé dans Le Monde[2] :

Il est pour le moins curieux de me reprocher de ne pas être ce que, justement, je ne veux pas être : un scientifique ! En effet, la sociologie n’est pas une science, mais une « connaissance ». Une connaissance bien sûr rigoureuse, mais dont le paradigme n’est pas la mesure.

Pour mettre à mal ses travaux il suffit d’aller sur le terrain. C’est ce que fit le sociologue Laurent Tessier en réfutant magistralement les déclarations de Maffesoli sur les « free party » en faisant une simple enquête de terrain[3].

L’astrologie est une pseudoscience sociale comme les autres

En tant que professeur habilité à diriger des thèses, il rentra dans l’histoire en 2001 grâce à une élève particulièrement célèbre, l’astrologue officieuse de la République, Elizabeth Tessier.

Elle défendit une thèse en sociologie intitulé Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmoderne. Une partie du public (200 à 300 personnes) assistant à la soutenance manifesta son hostilité. Plusieurs personnalités – dont le physicien Jean Audouze, Sven Ortolli de Science et Vie Junior et du chirurgien Christian Cabrol – tentèrent d’annuler cette farce jusqu’au dernier moment.

Le jury, présidé par Serge Moscovici (père du politicien), lui accorda avec mention « très honorable » mais sans félicitation.

Sociétés piégée par un canular

A défaut de produire de la science, Maffesoli intervient comme expert dans les comités de lecture de pas moins de 9 revues. Il fut même fondateur de la revue Sociétés et son directeur jusqu’en 2015. Cette année-là deux sociologues, Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin, décident d’agir contre ceux qui confondent l’ésotérisme et la sociologie scientifique.

Ils soumettent à la revue Sociétés un article parodique intitulé Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris[4]. Le contenu de l’article est désopilant :

 A quatre, les voyageurs seront serrés, et tant mieux, écrit Jean-Pierre Tremblay. Les corps se toucheront en une étreinte passagère, ils feront corps dans cette réplique de l’œuf primordial détaché de la matrice (la borne de rechargement électrique), connectée/à reconnecter

Ainsi la masculinité effacée, corrigée, détournée même de l’Autolib’ peut-elle (enfin !) laisser place à une maternité oblongue — non plus le phallus et l’énergie séminale de la voiture de sport, mais l’utérus accueillant de l’abri-à-Autolib’.

Usant du pseudonyme J.-P. Tremblay les plaisantins réussissent à faire accepter leur article. Quelques jours plus tard, ils dévoilent leur canular et dénoncent la fumisterie de ce que nous appellerons le “maffesolisme” – c’est-à-dire, bien au-delà de la seule personnalité de Michel Maffesoli, le fondateur et directeur de la revue Sociétés, une certaine “sociologie interprétative/postmoderne” à vocation académique.

Sous pression, Maffesoli relativise la faute en l’attribuant à une négligence (les deux relectures étaient l’une négative et l’autre sceptique). Puis, dans un élan incompréhensible, il valide les conclusions de l’article. Dans une interview hallucinante dans Technikart[5] il déclare que l’article n’était pas sot du tout, très bien fait, ça correspondait bien.

La pression se transforme vite en scandale, plusieurs sociologues montent au front pour charger Maffesoli, leur discipline est en ballotage défavorable. Maffesoli doit se sacrifier pour sauver la boutique, ce qu’il fera en quittant la revue qu’il a fondé. Ridiculisé, Maffesoli continue pourtant de sévir, notamment dans les réseaux de « droite ». A la mort de Guillaume Faye, il tenta de manière ridicule de s’attribuer la paternité du concept d’Archéofuturisme[6].

 


[1] http://www.ceaq-sorbonne.org/node.php?id=91

[2] https://www.lemonde.fr/societe/article/2015/03/18/victime-d-un-canular-michel-maffesoli-denonce-un-reglement-de-comptes-entre-sociologues_4595882_3224.html

[3] https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2003-1-page-63.htm

[4] https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=SOC_126_0115

[5]  « Les réseaux c’est la vie. Interview de M. Maffesoli par G. Fédou », Technikart, no 190, avril 2015, p. 31.

[6] https://blogelements.typepad.fr/blog/2019/03/guillaume-faye-par-ceux-qui-lont-connu.html

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