C’est en 2018 qu’un « comité d’experts » des États membres de l’UE a voté en faveur d’une interdiction, jusque-là temporaire depuis 2013, à une interdiction permanente des néonicotinoïdes.
Guère surprenant vu que le vote a suivi de peu l’avis consultatif publié par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) selon lequel les néonics « posent un risque pour les abeilles sauvages et pour les abeilles domestiques », un résultat qui a fait la Une des journaux en Europe et aux États-Unis (et les choux gras des activistes anti-pesticides aussi bien chez les journalistes que chez certains apiculteurs).
Le problème c’est que quiconque aurait lu le rapport aurait découvert que l’EFSA n’avait rien trouvé de tel. Ce qu’on constate dans les pages c’est surtout qu’un « risque faible n’a pas pu être démontré ». Pourquoi cette interdiction effective alors ? La pression de l’ancien Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, Nicolas Hulot et sa Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme n’y est sans doute pas pour rien (sa fondation avait d’ailleurs fait une pétition dans le sens de l’interdiction), mais elle n’explique pas tout.
Nous allons voir déjà de quoi on parle sur le sujet des populations d’abeilles, ce qu’est un « néonic » et pourquoi la conclusion énigmatique de l’EFSA a pu mener à une interdiction de ce type de produit ?
Y-a-t-il eu une « abeillecalypse » ?
Déjà, il faut savoir qu’il est totalement normal que les apiculteurs subissent une baisse de leur population d’abeilles par ruche chaque année (de l’ordre de 10 à 15%) notamment dû à la période de l’hiver à cause du temps, des maladies qu’elle implique pour les abeilles et la gestion de la nourriture.
Ce qui fait que les populations de ruches d’abeilles peuvent fluctuer durant l’année du fait des décisions de l’apiculteur sur la gestion de ses colonies, des variations du marché du miel et de sa volonté de vendre certaines « qualités » de miel.
Ce taux de mortalité de 10-15 % était la norme avant les années 90 où les fameux néonicotinoïdes furent introduits. Toutefois, c’est depuis une vingtaine d’années, que les apiculteurs constatent des taux de mortalité s’élever à 30-35%. La concomitance dans le temps de l’introduction des néonics a amené à s’interroger sur l’influence de ce produit sur la mortalité des abeilles. Ce lien supposé (mais sans preuves réelles) fut abondamment relayé par les médias, grâce aux fameux hivers en France dans les années 1999-2000.
Comme l’explique le chercheur Henry I. Miller, les néoticotinoïdes sont une famille de produits beaucoup plus sûrs pour les humains et les autres vertébrés que les générations de pesticides qui les précèdent, tels que les carbamates ou les organophosphorés.
Ensuite, ils seraient plus sélectifs dans leur mode d’action que leurs prédécesseurs. « Utilisé comme moyen de traiter les semences ou appliqué au niveau des racines, le pesticide est assimilé par la plante et devient plus dilué au fur et à mesure que la plante grandit, de sorte que les concentrations sont plus faibles dans les fleurs et les fruits des plantes. De loin, on trouve les plus fortes concentrations de néonicotinoïdes dans les tiges et dans les feuilles – là où les insectes nuisibles pour les plantes se nourrissent le plus souvent – et non pas dans les fleurs que les pollinisateurs butinent. »
Des effondrements de populations (CCD : Colony Collaspe Disorder) furent constatées dans certains États américains au milieu des années 90 ainsi que la fameuse année 2006 (des activités d’ONG ont parlé de « Beecalypse » ).
Pourtant une étude de longue durée du Département américain de l’Agriculture (USDA) sur la population des abeilles aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et dans le Monde sur la période 1995-2015 ne semble pas montrer une chute globale de la population, bien au contraire.
L’ « abeillecalypse » est donc un mythe. Cependant, le problème de mortalité des abeilles est réel, les stratégies des apiculteurs (division de colonies, achat de nouvelles « reines », etc..) ont permis jusque-là de conserver à minima une population stable voire plus élevée selon les endroits.
L’USDA pointe en premier lieu un problème multifactoriel dont l’existence d’un parasite : le Varroa destructor (venant d’Asie) qui serait un facteur assez prépondérant. Sans compter que la génétique du Varroa semble s’adapter pour lui donner rapidement une résistance à certains pesticides. De plus, le Varroa poserait un plus sérieux problème car il transmettrait également différents virus aux abeilles.
Une étude historique des CCD faite par le département d’agriculture de l’Université de Pennsylvanie montre que ces effondrements de population d’abeilles ne datent pas d’hier aux États-Unis. La plus ancienne CCD étudiée date de 1869, s’ensuivit des CCD assez régulières liées aux problèmes de l’époque (difficile alors d’y attribuer l’influence des néonicotinoïdes).
Par ailleurs, des suivis avaient été réalisés sur des nombres importants de colonies. En Allemagne, ce suivi a été conduit pendant quatre années alors que la protection de semences à base de néonicotinoïdes était utilisée sur la très grande majorité des colzas (plus de 90 %). Les résultats de ce suivi de cent vingt ruchers de dix ruches sur quatre ans montrent qu’il n’y avait aucune relation entre l’utilisation des pesticides et les mortalités d’abeilles.
En revanche, ils faisaient clairement apparaître le rôle prépondérant du Varroa destructor dans les mortalités de colonies.
Sur un plan plus large, l’utilisation de néonicotinoïdes et le niveau de mortalité de colonies ne correspondent pas. À l’échelle mondiale, le réseau de surveillance Coloss fait état de mortalité surtout dans l’hémisphère nord. Et peu dans l’hémisphère sud. Or, les néonicotinoïdes sont utilisés en Amérique du Sud, en Australie et en Afrique du Sud mais, dans ces régions, le parasite Varroa n’est pas présent (Australie).
Selon le suivi Epilobee, un programme de surveillance à l’échelon du continent européen, les mortalités hivernales sont surtout localisées dans le nord (Scandinavie, Royaume-Uni, Belgique) avec des niveaux situés entre 23 et 33 %, alors qu’elles sont plus faibles dans le sud de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne) avec des niveaux entre 5 et 10 %. Pourtant, les insecticides néonicotinoïdes sont plus employés dans le sud que dans le nord de l’Europe.
Ce qui fait d’ailleurs qu’il y a consensus pour les organismes de régulation aux États-Unis, au Canada et en Australie qui n’ont jamais interdit les néonicotinoïdes.
D’où vient alors cette décision incompréhensible de l’EFSA pour l’interdiction des néonicotinoïdes ?
Un rapport de la Commission Européenne sur la période 2007-2013 avait pourtant identifié l’acarien Varroa et les nombreuses maladies qu’il véhicule dans la ruche comme la principale cause des problèmes de santé des abeilles. Dans leur enquête, elle n’avait trouvé que 3 apiculteurs sur 100 et qu’un seul des laboratoires interrogés qui avaient indiqué que les pesticides étaient un problème majeur.
Tout le problème vient du document qui crée le cadre réglementaire pour les évaluations de l’EFSA sur les abeilles : Bee Guidance Document (BGD).
Le journaliste d’investigation David Zaruk a montré que le groupe de travail, entre 2011 et 2013, qui a rédigé le BGD, était infesté d’activistes anti-pesticides (suite à plusieurs membres « congédiés » pour conflit d’intérêts avec certaines industries), et qu’une fois le document accepté par l’EFSA, « la conclusion de précaution a été intégrée au processus ».
On retrouve la même stratégie d’entrisme qu’avec le militant Christophe Portier pour le glyphosate.
Parmi les conditions d’évaluations du BGD sur les études de terrain on trouve :
1. Que le taux de mortalité des abeilles ne doit pas dépasser 7% (impossible, la mortalité naturelle des abeilles sans pesticides étant de facto supérieure…).
2. Que le champ d’essai pour les contrôles doit avoir une surface minimum de 448 km2 : l’équivalent de 4 fois la surface de Paris. Etant donné que le champ d’essai doit être éloigné de champs de fleurs et autres, c’est tout simplement impossible à faire en Europe.
Les conditions d’évaluations du BGD étant impossibles à réaliser dans la réalité, toutes les études qui faisaient consensus et montraient l’absence d’influence des néonicotinoïdes ont été balayées d’un revers de main par les régulateurs.
D’ailleurs si les critères du BGD étaient appliqués à d’autres évaluations des risques, aucun insecticide actuellement utilisé en Europe ne pourrait être autorisé. Ce qui comporte les pesticides « biologiques » tels que l’huile de neem, les pyréthrines, la roténone, la cévadille, le spinosad, le sulfate de cuivre, ainsi que le « savon insecticide » et « l’huile horticole » que la société Xersés considère comme « hautement toxiques » pour les abeilles.
En droit, le BGD n’est toujours pas approuvé, mais cela ne semble pas avoir eu d’importance pour les régulateurs.
Conclusion
Il n’y a pas de preuves réelles de l’influence des néonicotinoïdes sur la mortalité des abeilles. Les facteurs véritables pointent sur une approche multifactorielle avec la présence du parasite Varroa destructor en première ligne.
L’interdiction des néonicotinoïdes n’a aucune raison scientifique et a beaucoup plus une raison idéologique anti-pesticide grâce au lobbying intensif d’activistes d’ONG et de la complicité de politiques.
Les faits les plus flagrants concernant cette hypothèse comprennent :
1. Le communiqué de presse faux et incendiaire sur l’examen par l’EFSA des néonics que la Directrice générale française de l’agence, Catherine Geslain-Lanéelle, avait publié au moment de l’interdiction, après quoi, elle a été presque immédiatement récompensée par un poste au gouvernement français.
2. Le scandale du « Bee-Gate » : il a été montré que l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), subventionnée par l’UE, a « fabriqué » des études qui soutiendraient sa « campagne » pour interdire les néonics.
3. La tentative de la Commission Européenne de supprimer un rapport de son propre Centre Commun de Recherche, qui avait démontré que l’interdiction des néonics avait été un échec et était en réalité mauvaise pour les abeilles.
Cette tambouille militante et politicienne va avoir des répercussions : elle alimentera les activistes « écologistes » en Europe et dans le monde entier, qui se sentent maintenant sur une pente ascendante, confortés dans leurs convictions sur ce qu’ils ont toujours soupçonné : que les évaluations scientifiques qui entrent dans le processus gouvernemental de réglementation sont facilement manipulées par ceux qui ont le plus de poids politique.
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