Dans un article précédent, j’avais déjà énoncé quelques améliorations obtenu grâce aux OGM dans l’agriculture (extinction du virus destructeur de la papaye et le riz doré).
Etant donné que les médias parlent bien trop peu de ses bienfaits comparés à ses (parfois hypothétiques) désavantages, il est temps dans cet article de leur rendre hommage et de dresser un bilan (non exhaustif) de ses bienfaits actuels ainsi que les perspectives futures de cette technologie.
Bienfaits généraux
Des chercheurs de l’Université de Göttingen, en Allemagne, ont réalisé une méta-analyse comportant 147 études sur les effets agronomiques et économiques des OGM entre janvier 1995 et mars 2014. On peut retrouver le bilan des résultats ci-dessous.
Visiblement, les chercheurs ont conclu que les effets des OGM sur l’agriculture sont largement positifs, tant dans les pays développés que dans ceux en développement.
Selon l’étude, en moyenne, l’adoption d’OGM a permis de réduire l’utilisation des pesticides chimiques de 37 %, d’augmenter le rendement des cultures de 22 % et d’augmenter les profits des agriculteurs de 68 %.
Les gains de rendement et de réduction des pesticides sont plus grands pour les cultures résistantes aux insectes que pour les cultures tolérantes aux herbicides. Par ailleurs, les gains de rendement et de rentabilité sont plus élevés dans les pays en développement que dans les pays développés (logique compte tenu de leur retard technologique de départ).
Cependant, la hausse de rendement est si grande (9 % au-dessus des cultures non-GM pour les cultures tolérantes aux herbicides et 25 % au-dessus pour les cultures résistantes aux insectes) que les agriculteurs qui ont adopté les cultures GM ont réalisé des profits de 68 % plus élevés que ceux qui ne l’ont pas.
Les agriculteurs des pays en développement qui cultivent des OGM atteignent des rendements de 14 points de pourcentage au-dessus de ceux des agriculteurs d’OGM dans les pays développés. Les ravageurs et les mauvaises herbes sont des problèmes plus importants dans les pays pauvres, de sorte que les OGM y confèrent des avantages plus importants.
Après ce bilan général, voyons plus en détails certains aspects.
Quantité de pesticides (herbicides et insecticides)
Entre 1995 et 1998, les producteurs américains de soja tolérant à un herbicide auraient réduit de 10 % en moyenne la quantité d’herbicides utilisés dans leurs champs.
En 2005, la culture de soja tolérant au glyphosate nécessiterait 25 % moins d’herbicides que la culture de soja traditionnel.
Entre 1995 et 2000, la quantité d’herbicides appliquée par hectare a diminué de plus de 40 % et chaque année, elle était inférieure dans les champs de canola tolérant à un herbicide.
Les cultures tolérantes à un herbicide permettraient de réduire la quantité d’herbicides utilisée, pour les raisons suivantes :
- Les cultures GM tolérantes à un herbicide nécessitent une moins grande quantité de produits par traitement que les cultures traditionnelles.
- Les cultures tolérantes à un herbicide ne nécessitent souvent qu’un seul traitement, alors que les cultures traditionnelles exigent des traitements multiples d’herbicide.
- Les cultures tolérantes à un herbicide permettent l’utilisation d’herbicides en post-levée, c’est-à-dire lorsque les plants cultivés sont en croissance.
Entre 1996 et 2006, les cultures de maïs et de coton Bt (résistant aux insectes) sont associées à une diminution de 136,6 millions kg d’ingrédients actifs d’insecticides à travers le monde soit une réduction de 29,9 %. Les bénéfices varient d’un pays à l’autre et sont surtout associés à la production de coton, historiquement une des cultures conventionnelles utilisant le plus d’insecticides à travers le monde.
La réduction des pulvérisations de pesticides sur le coton a entraîné une amélioration significative de la santé des travailleurs agricoles en Chine et en Afrique du Sud.
Sur le labour
Labourer un champ consiste à travailler le sol en profondeur en retournant la terre à l’aide d’une charrue, afin de créer un milieu favorable à la croissance des plantes. Ce type de travail du sol permet notamment l’enfouissement de matières organiques et assure la destruction des mauvaises herbes. En revanche, le labour nuit aux micro-organismes utiles du sol et favorise l’érosion du sol, en plus d’exiger temps et énergie de la part des agriculteurs. La culture d’OGM peut favoriser, notamment, un travail minimal du sol (moins de labour).
Comment ? Les cultures tolérantes aux herbicides rendent possible l’application d’herbicides directement sur les mauvaises herbes ; tandis que les cultures traditionnelles nécessitent l’incorporation des herbicides dans le sol.
Par exemple, la superficie agricole de soja utilisant un travail minimal du sol a augmenté de 64 % aux États-Unis depuis l’introduction du soja résistant aux herbicides. L’Argentine a enregistré une augmentation d’environ 35 %, attribuable en partie à la lutte plus efficace contre les mauvaises herbes (culture de soja résistant aux herbicides).
En 2004 aux États-Unis, la culture de maïs tolérant aux herbicides aurait permis une augmentation de 20 % du travail minimal du sol. La culture avec un travail minimal du sol associée aux OGM entraînerait une diminution de l’érosion du sol, de la poussière, de l’écoulement des pesticides et de l’émission de gaz à effet de serre, ainsi qu’une augmentation de la rétention d’eau et de la qualité de l’eau et de l’air.
Par exemple, en 2007, les OGM auraient permis d’économiser 14,2 milliards de Kg de CO2 éq. , ce qui peut se traduire par une diminution de 6,3 millions de voitures.
Toxicité des produits
La culture de ces OGM permettrait non seulement de diminuer le nombre d’applications d’herbicide, mais aussi d’utiliser des produits moins toxiques. Par exemple, les produits utilisés dans les champs de cultures tolérantes à un herbicide, tel que le glyphosate (surprise !), seraient au moins trois fois moins toxiques et persisteraient dans le sol près de deux fois moins longtemps que les herbicides appliqués sur les cultures traditionnelles.
Par rapport aux produits utilisés dans les champs de cultures traditionnelles, les herbicides associés aux cultures GM offriraient les avantages suivants :
- Dispersion rapide dans l’air, pour se retrouver par la suite uniquement en quantité inactive dans le sol.
- Faible potentiel de contamination de l’eau.
- Grande souplesse en ce qui a trait au calendrier d’épandage. Par exemple, l’herbicide peut être appliqué n’importe quand durant la saison de croissance des plantes, contrairement aux cultures traditionnelles pour lesquelles l’herbicide doit être pulvérisé avant l’apparition des premières pousses.
- Toxicité plus faible pour les mammifères.
Impact sur la biodiversité
Selon une nouvelle méta-analyse se basant sur 42 recherches de terrain dans différents pays, les insectes non-cibles (ex. abeilles, coccinelles) sont plus nombreux dans les champs de maïs et de coton GM que dans les champs de maïs et de coton conventionnels traités aux insecticides. En revanche, ils sont moins nombreux que dans les champs conventionnels non traités aux insecticides.
Le 17 mai 2016, The National Academies of Sciences, Engineering and Medecine (NASeM) a rendu public un rapport faisant état des connaissances scientifiques actuelles concernant les cultures génétiquement modifiées (GM), Dans ce rapport, on mentionne que :
- Aux États-Unis, les populations d’insectes nuisibles sont significativement moins importantes dans les régions où du maïs et du coton Bt sont cultivés. Cette réduction avantage donc aussi les producteurs conventionnels de ces régions.
- Une plus grande biodiversité est observable parmi les insectes dans les champs où des plantes Bt sont cultivées que dans les champs de végétaux traditionnels où un insecticide synthétique est appliqué.
- Les données recueillies aux États-Unis font état d’une biodiversité végétale égale ou supérieure entre les champs GM où le glyphosate est appliqué et les champs conventionnels où un autre herbicide est utilisé.
Il faut aussi savoir de quoi on parle en matière de biodiversité. Les environnements travaillés par l’Homme (surtout en agriculture) n’ont pas pour objectif premier d’augmenter la biodiversité, elle est plutôt au contraire « d’orienter » (et souvent réduire) dans un but précis (ici la production de denrées particulières). Le concept pseudo-scientifique basé sur une nature figée ou encore qu’il s’agirait d’établir le maximum de biodiversité (théorie de la diversité-stabilité, faisant partie du dogme écologique) n’a jamais été démontré scientifiquement et fait souvent fi de l’aspect évolutionnaire de la biodiversité en général (beaucoup d’espèces grâce aux moyens de transport de l’Homme peuvent ainsi proliférer ailleurs).
Les perspectives et applications futures pour les OGM
Elles sont en réalité très vastes, la liste que je vais donner est évidemment non exhaustive mais j’espère, permettra aux sceptiques de cerner l’énorme potentiel du génie génétique en matière d’agriculture.
La santé animale
Les caroténoïdes sont des nutriments essentiels. Ils agissent aussi comme antioxydants et sont un facteur de santé. Une équipe pluridisciplinaire a montré que des poulets élevés avec un régime enrichi avec une variété de maïs transgénique contenant des niveaux très élevés de caroténoïdes (b-carotène, ly- copène, zéaxanthine et lutéine) sont en meilleure santé et accumulent plus de caroténoïdes dans les tissus que les poulets nourris avec un régime standard, même complété avec des additifs.
Les caroténoïdes sont donc plus biodisponibles quand ils sont inclus dans l’aliment que quand ils sont ajoutés. De plus, les poulets consommant ce maïs enrichi résistent mieux à une infection par le protozoaire parasite (Eimeria tenella) que les poulets ayant été soumis aux régimes conventionnels et ne développent que des signes bénins de maladie.
Des arbres pour les pâtes et papiers
La lignine contenue dans les arbres nuit au processus de fabrication du papier. Elle doit donc être séparée de la cellulose, une molécule qui constitue la paroi des cellules végétales, par des produits chimiques alcalins durs et une forte chaleur. La commercialisation d’arbres GM à faible teneur en lignine aurait plusieurs avantages :
- Diminution substantielle de l’utilisation de produits chimiques servant à séparer la lignine de la cellulose.
- Amélioration de la santé des travailleurs agricoles et industriels actuellement en contact avec les produits chimiques nocifs.
- Economie des coûts de traitement de la lignine pour les entreprises forestières.
Par exemple, des trembles (Populus tremuloides) ont été génétiquement modifiés afin que leur contenu en lignine soit réduit, leur concentration en cellulose, plus grande et leur croissance, plus rapide que les trembles traditionnels. Des essais en champs effectués sur une période de quatre ans, en Angleterre et en France, n’ont pas permis de relever des impacts environnementaux négatifs.
Des plantes qui nettoient la pollution
Certaines terres contiennent des produits chimiques issus de l’activité industrielle, des dépôts de neige usée, des dépotoirs ou d’autres sources. Actuellement, les procédés utilisés pour décontaminer ces sols sont coûteux et les laissent souvent infertiles durant plusieurs années. La phytoextraction, un champ de recherche relativement nouveau et qui regroupe les procédés qui visent à accumuler les contaminants, pourrait offrir une solution à ces problèmes.
Plusieurs projets de recherche sur le sujet sont en cours à l’échelle internationale :
- Des chercheurs ont mis au point des plantes GM capables d’absorber le plomb et le cadmium, le mercure et les résidus explosifs.
- D’autres scientifiques essaient de développer des cultures GM qui pourraient dégrader des hydrocarbures et certains pesticides.
Des plantes plus résistantes aux conditions climatiques rudes
La salinité des sols et la sécheresse freinent l’agriculture dans plusieurs pays. La phytostabilisation offrirait des perspectives intéressantes. Ce champ de recherche s’intéresse aux plantes capables de croître sur les terres contaminées et de réduire ainsi l’érosion du sol.
Des chercheurs tentent d’isoler les gènes codants pour la tolérance à la salinité et à la sécheresse afin, par exemple, de modifier des arbres pour qu’ils supportent mieux le sel et la sécheresse. Ces arbres pourraient ainsi être reproduits à des fins de boisement et de reboisement des terres désertifiées.
Des fruits et légumes à durée prolongée
La modification génétique des fruits et des légumes permettrait d’augmenter leur durée de stockage et de retarder leur détérioration. Le développement de tels OGM pourrait élargir les possibilités de commerce et empêcher les gaspillages massifs qui ont lieu durant le transport et l’approvisionnement.
Des plantes comme carburants
Le carburant issu du matériel végétal ou de la biomasse est connu pour son énorme potentiel énergétique. Par exemple, les résidus de canne à sucre ou de sorgho fournissent de l’énergie, en particulier dans les zones rurales, dans les pays qui en produisent. Au moyen de la transgénèse, la matière organique pourrait être modifiée en vue de fournir de l’énergie. Des plantes pourraient être reproduites dans ce but spécifique.
Des plantes impliquées dans la lutte aux changements climatiques
La tolérance des végétaux pourrait se voir modifier avec les écarts de température, la sécheresse, la disponibilité de l’eau, la salinité des sols, la quantité de CO2 dans l’air ou l’arrivée de nouveaux ennemis des cultures en lien avec l’évolution des changements climatiques. On appelle souvent ceci « des conditions de stress abiotiques ». Ces conditions adverses peuvent mener à des pertes importantes en production agricole.
Plusieurs substances biologiques dans les végétaux peuvent jouer un rôle dans la résistance des plantes à ce type de stress. L’utilisation des techniques du génie génétique pourrait améliorer, par exemple, la capacité d’adaptation des plantes à un stress de température, en modifiant le niveau et la composition de ces substances.
Conclusion
Voici quelques chiffres de 2013 issus de l’ISAAA sur les cultures GM dans le monde :
Parmi les 27 pays producteurs de PGM (Plantes Génétiquement Modifiées), 11 se situent en Amérique latine, 5 en Asie, 5 en Europe (Espagne, Portugal, Slovaquie, République Tchèque, Roumanie) , 3 en Afrique, 2 en Amérique du Nord et 1 en Australie.
Les principaux pays producteurs de PGM en 2013 sont les Etats-Unis (70 millions d’hectares), le Brésil (40 millions), l ‘Argentine (24 millions), l’Inde (11 millions) et le Canada (11 millions). Il existe aussi des pays où les PGM ne sont pas officiellement autorisées mais dont on sait qu’elles sont cultivées. Il en est ainsi de l’Ukraine : la moitié des surfaces de soja et au moins 1/3 des surfaces de maïs seraient GM. Au Benin également, il apparaît que le cotonnier Bt est déjà en culture alors qu’il n’est pas encore autorisé, les semences provenant du Burkina Faso, un pays voisin où il est très largement cultivé et avec un grand succès.
Bref l’Europe (sauf 5 pays qui semblent sauver l’honneur) est singulièrement à la traîne, totalement perdue dans sa pathologie régressive et technophobe. Sa pusillanimité et son principe de précaution (surtout en France) érigée au rang de dogme n’est absolument pas sans conséquence sur son dynamisme économique et sa faculté générale à se confronter à la concurrence internationale (ici l’agriculture).
Par exemple, le groupe chimique allemand BASF, excédé par les incertitudes en matière de règlementation tatillonne sur les OGM, avait décidé tout simplement d’arrêter en 2012 le développement et la commercialisation de PGM en Europe. Cela a entraîné évidemment la délocalisation de tous ses laboratoires de recherche en biotechnologies présents en Europe vers les Etats-Unis (comme quoi la délocalisation ne concerne pas seulement les ouvriers…).
Pourtant, comme je viens de le montrer dans cet article, les OGM en agriculture sont un formidable moyen de développer la compétitivité de l’industrie agricole européenne. Elles sont aussi un outil performant pour résoudre les problèmes environnementaux d’aujourd’hui et de demain.