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Quand les sciences sociales deviennent folles: le complot patriarcal préhistorique

Priscille Touraille, anthropologue au Muséum National d’Histoire Naturel soutient qu’à l’origine, qu’elle situe aussi péniblement qu’approximativement à l’époque de Néandertal, les ancêtres des Homo sapiens n’avaient pas de dimorphisme sexuel. Les femelles étaient aussi grande et forte que les mâles, voire plus. Cette thèse, très largement relayé dans les médias de gauche, fut élaboré dans le cadre d’une thèse encadrée par Françoise Héritier, professeur à l’École des hautes études en sciences sociales et titulaire de la chaire d’étude comparée des sociétés africaines au célèbre Collège de France. L’évolution du dimorphisme sexuel chez nos ancêtres étant un sujet très étudié par les scientifiques, une analyse des connaissances de paléoanthropologies les plus académiques (mais datant d’avant la publication de sa thèse en 2005, il faut savoir rester fair-play) va me permettre de tester l’affirmation des féministes.

 

Commençons par la célèbre Lucy, une Australopithecus afarensis, espèce ayant vécu entre -4.1 et -3 millions d’années. C’est un choix délicat, il n’existe pas de consensus scientifique sur l’origine du genre Homo, i.e. des humains. Il est aussi difficile de se pencher sur les espèces plus anciennes, le registre fossile est maigre, les restes très incomplets rendent très hasardeux autant l’étude du dimorphisme que l’établissement d’une filiation avec notre espèce. Ceci étant dit nous savons depuis 1994 que les femelles afarensis pesaient environ 30kg, les mâles 60kg[i],  les mâles mesuraient 1.5m et les femelles 1.1m. A titre de comparaison l’écart de masse était le même qu’entre gorille mâle et femelle.

Femelle (à gauche) et mâle (à droite)

L’ancêtre suivant est le premier humain, Homo habilis, qui a vécu en Afrique entre -2.3 et -1.5 millions d’années. En 1988 Daniel E. Lieberman et son équipe[ii] notent un dimorphisme sexuel très important chez Homo habilis, mais déjà en retrait par rapport aux australopithèques. Les mâles mesuraient 1.3 m pour 37 kg et les femelles  1.1 m pour 32 kg[iii].

Le suivant est Homo ergaster, apparue en – 1.9 millions d’année. En 1994 McHenry remarque une réduction très significative du dimorphisme sexuel par rapport à habilis[iv]. Les mâles avaient un poids de 66 kg contre 56 kg pour les femelles, pour une taille de respectivement de 1.8 m et 1.6 m. Chez son contemporain asiatique Homo erectus les écarts étaient les mêmes.

En 1995 Patrick S Randolph-Quinney et Mark Collard montrent que le dimorphisme sexuel s’est encore réduit chez Homo neanderthalensis et sapiens[v] jusqu’à atteindre le niveau actuel, un des plus faibles chez les hominidés.

Pour résumer  en image :

Australopithecus afarensis Homo habilis
Homo neanderthalis Homo sapiens

 Les données scientifiques qui faisaient consensus avant 2005 permettent d’affirmer qu’un des mécanismes de l’émergence du genre Homo est accroissement de la taille parallèle à une réduction du dimorphisme sexuel. Plus qu’une simple invalidation de la thèse hallucinante de Priscille Touraille, la science démontre qu’elle est en contradiction totale avec la réalité des faits.

 


[i] McHenry, Henry M. (1994). Behavioral ecological implications of early hominid body size. Academic Press Limited.

[ii] Daniel E. Lieberman, David R. Pilbeam & Bernard A. Wood. A probabilistic approach to the problem of sexual dimorphism in Homo habilis: a comparison of KNM-ER 1470 and KNM-ER 1813. Journal of Human Evolution, Volume 17, Issue 5, August 1988, Pages 503–511

[iii] http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0028689

[iv] McHenry, Henry M. (1994). Behavioral ecological implications of early hominid body size. Academic Press Limited.

[v] Patrick S Randolph-Quinney & Mark Collard (1995). Sexual Dimorphism in the Mandible of Homo Neanderthalensis and Homo sapiens: Morphological Patterns and Behavioural Implications. In book: Archaeological Sciences, Chapter: Sexual Dimorphism in the Mandible of Homo Neanderthalensis and Homo Sapiens: Morphological Patterns and Behavioural Implications, Publisher: Oxbow Books, Editors: A.G.M. Sinclair, E.A. Slater, J.A.J. Gowlett, pp.420-425

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